Mais, je n’en suis pas mort ?

Si vous avez opté pour un courant d’éducation dit positif, bienveillant ou respectueux (le débat n’étant pas le nom que l’on donne à sa parentalité) vous avez très certainement déjà entendu ce type de phrases :

« J’en ai reçu et pourtant je ne suis pas mort ? »

« A mon époque c’était le martinet, et je m’en porte bien ! »

« Il mord ? Alors mord le bien fort, au moins il comprendra, avec mes enfants ça a fonctionné et ils n’en sont pas morts ! »

« Laisse le pleurer, d’ici quelques temps tu seras tranquille et il fera ses nuits. On a tous pleuré dans notre lit, et nous sommes bien en vie. »

Et oui dans la tête de la grande majorité des gens, corriger, punir, taper ou laisser un enfant face à ses pleurs n’a rien de grave, rien de dommageable, puisqu’ils sont tous là, 30 ans plus tard à vous parler en vous assurant que tout va bien pour eux. Si on reprend un peu le sens de la phrase, cela signifie que si une action ne mène pas à la mort elle n’est donc pas dommageable pour la victime …

Et si nous transposions dans la vie des « grands » pour ce rendre compte de cette absurdité ?

« Mon voisin tape sa femme tous les soirs, mais elle est toujours en vie et part au travail tous les matins. C’est qu’elle va bien.
Une copine a été kidnappée et séquestrée pendant 10 jours, elle est ressortie en vie.
Tous les jours je hurle sur mon employé quand il arrive, il n’est pas mort au moins il gagne en productivité. …
Le voisin de mes parents a 3 chevaux dans son pré, il ne les nourrit pas, ils ont à peine à boire, mais ils sont toujours en vie « 

Cela me permet de faire le lien avec le superbe ouvrage de Fanny Vella, sur le fait de Changer d’angle. Voici une image extraite de son livre, que vous pouvez retrouver ici sur son compte Facebook.

Mais alors pourquoi ?

Je vous avoue que cela m’échappe un peu. Mais le mot enfant, si on revient à l’étymologie, du latin infans, infantis = « qui ne parle pas ».
De plus, un bébé est, depuis très longtemps considéré comme un tube digestif, qui mange, dort et ne ressent aucune douleur.
Les études de ces dernières années (depuis environ 40 ans) nous prouvent tout le contraire.
Les récentes découvertes en neurosciences nous apportent tant d’éclairages sur leur fonctionnement qu’il est assez compliqué de rester figé dans nos dogmes, nos croyances, nos idées complètement erronées.

Je vous avoue que c’est un sujet qui me prend vraiment au ventre et que j’ai à coeur, à mon niveau, à mon échelle et dans la mesure de mes moyens et compétences, de faire changer 1, 2, 3 ou peut-être beaucoup plus de parents, tatas, oncles, grands parents sur la vision de ces sujets.

Un peu de théorie

De quoi parle-t-on quand on parle de VEO ?
Selon le site de réference, Stop VEO, la Violence Éducative Ordinaire, est la violence (physique, psychologique ou verbale) utilisée envers les enfants à titre éducatif (corrections, punitions) communément admise et tolérée.

Nous pouvons dresser deux listes, les VEO physiques et les VEO psychologiques :

Les violences physiques : fessées, claques, coups divers, tirage d’oreilles ou de cheveux, bousculer, taper, mordre, pincer, priver de repas / de dessert, laisser pleurer seul, obligation de manger quelque chose, secouer …
Les violences psychologiques : faire les gros yeux, crier, mettre au coin, faire peur, se moquer, rabaisser, amener l’enfant à pleurer, manquer de respect à son intimité, poser des étiquettes sur l’enfant, ne pas l’écouter, ne pas respecter son rythme, être laxiste …

Il n’y a dans ces 2 listings aucune hiérarchie et c’est très loin d’être exhaustif.

Les VEO sont interdites depuis le 11 juillet 2019.

Au sein de l’article 371-1 du code civil est inséré un alinéa ainsi rédigé : « L’autorité parentale s’exerce sans violences physiques ou psychologiques. »
La France est ainsi le 56e État à bannir les violences éducatives ordinaires et se met en adéquation avec la Convention internationale des droits de l’enfant qu’elle a ratifiée en 1990. Il était temps …

Quelles sont les conséquences des VEO sur nos enfants ?

Toutes les VEO ont des impacts sur les enfants. En 2016, l’OMS déclarait à propos de la violence subie par les enfants, quelle qu’en soit la forme : “​elle provoque un stress auquel on associe une perturbation du développement précoce du cerveau. Un stress extrême peut affecter le développement du système nerveux et immunitaire.​”

Nous sommes bien en face de situations, admises par nos sociétés, provoquées par les parents ou des personnes proches de l’enfant, qui ont un impact sérieux sur le cerveau. Le Docteur Catherine Gueguen insiste sur le fait que « Le cerveau de l’enfant très immature le rend beaucoup plus fragile et vulnérable au stress que l’adulte. Or, le stress provoqué par les humiliations verbales ou physiques stimule l’amygdale cérébrale qui déclenche alors la sécrétion des molécules de stress, le cortisol et l’adrénaline« .

Ce que les études nous disent …

Le stress provoqué par les violences physiques ou verbales, va venir perturber les apprentissages et la mémoire.
Martin Teicher a démontré en 2012 que les enfants qui ont été humiliés physiquement et/ou verbalement, ont un hippocampe qui a diminué de volume par rapport aux autres enfants. L’hippocampe, on le rappelle, est une zone centrale dans le cerveau, pas uniquement un petit animal des mers. Cette zone joue un rôle central pour la mémoire par exemple.

Anne Laure Van Harmelen montre en 2014 que la maltraitance émotionnelle sévère chez l’enfant affecte le fonctionnement du cortex orbito-frontal (COF) et augmente le risque de développer de nombreuses pathologies comportementales et psychiatriques : délinquance, agressivité, anxiété, dépression, addictions … Jaimie Hanson vient appuyer ces résultats en démontrant que le COF des enfants ayant subi diverses punitions corporelles présente une diminution de son volume.

Les VEO provoquent aussi une baisse importante de l’estime de soi et de la confiance en soi. Cela va modifier de façon profonde le développement du cerveau de l’enfant mais aussi son rapport au monde. Pour lui la violence sera une des bases de la relation, notamment celle de l’amour. Est-ce vraiment cela que nous souhaitons inculquer à nos enfants ?

Une très grande étude a été menée sur plus de 16 000 enfants, démontrant que la fessée ne permettait pas d’avoir un « meilleur comportement » de ses enfants sur le moyen / long terme. Ce sont même au final des enfants qui seront plus agressifs et plus à même de résoudre leurs problèmes par de la violence.

En 1994 et 1995, les parents de 4129 enfants âgés de 2 à 5 ans ont été interrogés au sujet de la fréquence à laquelle ils usaient de châtiments corporels et criaient contre leur enfant. Ces mêmes parents et enfants, ont été de nouveau interrogés 8 ans plus tard (les enfants étaient alors âgés de 10 à 13 ans).
Il en est ressorti un lien très clair entre les pratiques punitives des parents et le comportement des enfants. Les enfants ayant subi des violences physiques et/ou verbales de la part de leurs parents se sont révélés être plus agressifs (plus de bagarres et d’intimidations envers les autres), souffrir davantage d’anxiété et être moins altruistes.

Le lien étroit entre VEO et maltraitante

Les VEO sont malheureusement communément admises dans nos sociétés, nous acceptons de voir une maman ou un papa donner une tape à son enfant au parc, par contre quand nous parlons de maltraitance infantile, nous sommes (en très grande majorité) tous d’accord sur le fait de dire que nous ne pouvons pas accepter, d’où l’explosion du standard du 119 lors du confinement du printemps 2020.

Mais alors, où se trouve la limite entre VEO et maltraitance ? Je vous entends déjà « ok c’est pas quelques fessées qui font que je maltraite mes enfants » … Et pourtant … De nombreuses études démontrent un lien entre les VEO et la maltraitance. Plus de 75% des maltraitances ont débuté dans un contexte de punition corporelle, une « simple » fessée … ayant escaladé dans la maltraitance. De plus où est cette limite ? Elle est si mince et si propre à chaque individu.

Aujourd’hui, ces chiffres sont clairement sous estimé, nous parlons d’un enfant qui MEURT tous les 5 jours sous les coups de ses parents. Oui, ses parents, ces mêmes personnes qui l’ont normalement désiré, porté pendant 9 mois et qui l’aiment inconditionnellement. Près de 100 enfants qui, chaque année, ont vu une main se lever, la main de la personne qu’ils aiment le plus au monde, et ainsi leur ôter la vie.

Et donc ?

Il n’est pas simple d’être parent, il y a des moments compliqués, il y des nombreux moments où nous sommes à bout. Et c’est OK ! S’isoler, aller souffler, passer le relais et surtout ne pas rester seul face à la violence qu’elle soit verbale ou physique.

Il existe de nombreuses solutions pour vous accompagner, sans jugement pour ainsi faire évoluer votre regard sur vos enfants et surtout vos rapports avec vos enfants.
Ne restez pas seul, de nombreux professionnels sont là pour vous accompagner afin de retrouver joie et bonheur en famille.

Article rédigé par Lucille W.